Buena onda by Cesare Battisti

Auteur:Cesare Battisti [Battisti, Cesare]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Thriller, Littérature italienne
ISBN: 9782070495894
Google: mGiKGQAACAAJ
Amazon: 2070495892
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 1996-09-04T22:00:00+00:00

19

On m’a dit que la gare routière du Sud était à deux pas. Mais je me suis tapé au moins quatre kilomètres à pied, le long d’une avenue scandaleusement dépourvue de bars. Il est vrai que dans une ville grande comme une province, cette distance doit être considérée plus ou moins comme une balade jusqu’au kiosque à journaux. Me voilà quand même ici, au milieu d’une fourmilière de gens qui, toutes les cinq minutes, répondant à l’appel de leur bus, se regroupent entre deux rangées de flics armés jusqu’aux dents. Rien à voir avec la courtoisie anglo-saxonne des lignes du Nord. Ici, chaque passager est passé au crible avant d’être poussé sur le quai. Même les gens sont différents, ce sont de pauvres diables venus faire leurs achats dans la capitale. Ils ont déjà subi mille humiliations et, maintenant, la seule chose qu’ils désirent, c’est retourner dans leurs montagnes avec quelques kilos de lait en poudre dans leurs bagages.

Sur le quai pour Puerto Escondido un groupe de touristes arrogants se tient à bonne distance des visages rugueux des Indiens. À cause d’un surnombre de passagers, à côté du car habituel avec air conditionné, on a garé un vieux bus, arborant sur ses flancs une longue flèche rouge. Comme d’habitude, avec ma chance légendaire, je suis tombé sur le vieux clou et j’ai hérité par-dessus le marché d’un siège au fond, juste sur le moteur. Mais au moins il n’est pas interdit de fumer. À ma droite est assis un couple d’Italiens, dans les trente-cinq, quarante ans. Elle est assez petite, blonde et rondelette juste où il faut. Lui a tout à fait l’air d’un intellectuel sinistroïde ayant du mal à supporter les désagréments exotiques du Nouveau-Monde. Ça me fait un drôle d’effet d’entendre parler ma langue et pendant un bon moment j’écoute leur discussion à propos d’une maison d’édition qui, d’après lui, ne serait pas digne de son talent. Sur le siège voisin, un mec au bronzage Club Med montre depuis un moment un vif intérêt pour le décolleté de la blonde. Brandissant un fascicule italien fabriqué pour ce genre de circonstance, il s’insinue gaiement dans la conversation. Bien qu’elle parle avec aisance, elle lui tient surtout le crachoir. Elle sait qu’elle peut compter sur des ressources indiscutables et, heureuse dans son rôle, elle s’applique à faire glisser la bretelle de sa robe avec d’imperceptibles petits coups d’épaule.

Je pense à Josefina, à sa beauté cuivrée qui me monte à la tête…

Si je pouvais crier « pouce ».

Cette petite phrase me trotte dans la tête. Josefina n’obéit à aucune règle commune, et je pense que personne ne pourrait la pousser à faire quelque chose qu’elle ne voudrait pas. Je me demande qui elle est vraiment. Et qui est Xavier ?

Un haut-le-cœur me retourne l’estomac. Je ferme les yeux et j’essaie de synchroniser mon désir de dormir avec le rythme des secousses.

Après avoir dribblé une série de silhouettes sans visage, un courant d’air chaud me pousse délicatement dans un tunnel de plus en plus sombre.

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